Certains organismes se dirigent dans l’espace par rapport à la lumière présente dans l’environnement. Par exemple l’algue verte appelée Chlamydomonas reinhardtii se déplace vers la lumière pour optimiser sa photosynthèse. Cette aptitude est due à une molécule particulière que contient cette algue, une variante de la rhodopsine, une protéine de la famille des opsines liée avec un chromophore : le rétinal ou un de ses dérivés.
Au début des années 2000, des chercheurs montrent qu’il est possible de modifier génétiquement des neurones afin qu’ils deviennent sensibles à la lumière grâce à l’expression d’une protéine de cette famille : la channelrhodopsine-2. C’est la naissance d’une nouvelle discipline, l’optogénétique, qui en quelques années va révolutionner les neurosciences. En rendant les neurones sensibles à la lumière, ce nouvel outil permet d’intervenir sur le cerveau : contrôle des souvenirs voire générer de faux souvenirs, déclencher la sensation de soif, modifier le système gustatif pour rendre une nourriture savoureuse, etc.(1)
Une toute récente publication d’une équipe de chercheurs de la prestigieuse Northwestern University à Chicago, illustre la façon dont on peut prendre, avec la lumière, les commandes du cerveau et mieux comprendre son fonctionnement (2). Pour ce faire ils ont mis au point un dispositif optogénétique, contrôlable à distance et implantable dans le cerveau d’animaux de laboratoire.
Les chercheurs ont ainsi monter qu’il était possible de modifier les comportement sociaux de souris en “allumant” ou en “éteignant” les cellules des neurones génétiquement modifiés. Ils ont mis en évidence l’existence de circuits neuronaux sous-jacents aux interactions sociales qui conditionne la coopération entre individus.
Le dispositif mis au point par les chercheurs américains est suffisamment simple et facile d’emploi, pour être repris par d’autres équipes. À ce jour, plus de 1 000 laboratoires dans le monde, utilisent l’optogénétique.
Si l’optogénétique est un outil incomparable pour améliorer notre compréhension du fonctionnement du cerveau elle est encore très loin de pourvoir permettre de nouvelles approches thérapeutiques pour les troubles neurologiques et psychiatriques chez les humains. Elle très invasive car elle nécessite de modifier les neurones en injectant un virus codant pour la rhodopsine dans la zone cérébrale ciblée. De plus on ne connaît pas les effets indirects ou pervers de telles manipulations. L’activation par la lumière pose également de nombreuses questions. Quelle longueur d’onde utilisée (dans le spectre visible ou infra-rouge). Est-il possible de remplacer les fibres optiques par des diodes électroluminescentes (LED) disposées à la surface du crâne? Et plus important encore quels garde-fous mettre en place pour éviter certaines dérives pouvant mener à une montée en puissance de régimes totalitaires ou encore causer une déshumanisation de notre société. Comme nous le rappelait déjà Henri Poincaré« Il ne peut pas y avoir de morale scientifique mais il ne peut pas non plus y avoir de science sans morale. » (3)
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(1) L’optogénétique, quand la lumière prend les commandes du cerveau – Lucie Bard, chercheuse du CNRS post-doctorante à l’University College London
(2)Yang, Y., Wu, M., Vázquez-Guardado, A. et al. Wireless multilateral devices for optogenetic studies of individual and social behaviors. Nat Neurosci (2021).
(3)Henri Poincaré, « La morale et la science » [1910],