L’électrification du parc automobile est lancée. Environ 150 millions de véhicules électriques seront sur les routes dès 2030 (1). Les batteries des voitures électriques pèsent en moyenne 300 kg mais elles peuvent atteindre le double pour certains modèles de véhicules. Elles contiennent des électrolytes, des plastiques, de solvants, des colles, des composants électriques ou électroniques et donc des métaux: cuivre, cobalt, nickel, manganèse, aluminium, lithium… Tout autant d’éléments pouvant être dangereux pour l’environnement et la santé. Les batteries usagées risquent alors de poser un vrai problème. Comment éviter que des millions de tonnes de déchets potentiellement nocifs ne finissent en décharge ou dans la nature?
Au delà des difficultés pour organiser leur collecte, le recyclage des vieilles batteries n’est techniquement pas simple car leurs très nombreux composants sont difficiles à séparer. Cette complexité fait que produire une batterie neuve à partir de matériaux vierges est aujourd’hui souvent plus économique que de la fabriquer à partir de matériaux recyclés. Les pouvoirs publics de nombreux pays ont pris conscience du problème et adaptent leurs législations pour contraindre les fabricants à recycler les batteries usagées. Par exemple la réglementation européenne exige déjà un taux de recyclage de 50 % minimum des batteries lithium-ion (Li-ion) qui équipent la plupart des véhicules électriques.
Des filières de récupération se mettent donc en place. L’entreprise belge SNAM, par exemple, assure la collecte, le recyclage et la traçabilité des batteries en fin de vie dans toute l’Europe pour des constructeurs comme Toyota, Peugeot, Citroën, Honda, Volkswagen, Audi, Seat, Skoda, BMW, etc. Certains constructeurs commencent aussi à investir eux-mêmes dans le recyclage. Ainsi Volkswagen démarre une usine pilote de recyclage de batteries à Salzgitter, en Allemagne, avec l’objectif à terme de recycler 97 % de toutes les matières premières.
Ces initiatives sont une bonne chose pour l’environnement et pour l’emploi. En outre, elles permettent de réduire notre dépendance vis-à-vis de matières premières que nous ne produisons guère en Europe.
Une fois collectées et triées par type de technologie, trois options sont possibles pour les anciennes batteries :
Ré-usage : donner une seconde vie aux batteries réformées
Compte-tenu des puissances nécessaires, en particulier, au démarrage, la batterie d’une voiture électrique doit être remplacée dès que sa capacité devient inférieures à 70 % de son nominal, ce qui arrive en général au bout de 8 à 10 ans d’utilisation normale. Mais 70% n’est pas 0% , un niveau de 70% reste tout à fait acceptable pour des usages statiques.
Dans les maisons ces batteries peuvent par exemple être utilisées pour favoriser l’autoconsommation des énergies renouvelables. C’est ce que proposent déjà plusieurs constructeurs tels que Tesla (Powerwall), BMW, Nissan (xStorage), Renault (Powervault) ou encore Mercedes. Ces batteries servent alors à stocker de l’énergie produite à partir de panneaux solaires de particuliers qui peuvent ainsi réduire leurs frais d’électricité. L’énergie stockée peut être utilisée de jour comme de nuit pour une utilisation quotidienne ou elle peut être revendue sur le réseau électrique en cas de non-consommation.
Les idées de ré-usage sont par ailleurs innombrables. A Amsterdam, le stade de football Johan Cruijff Arena est illuminé à partir de 150 batteries récupérées de Nissan Leaf qui peuvent délivrer jusqu’à 2,8 Mégawatts par heures et qui restituent l’énergie stockée produite le jour par les 4200 panneaux solaires installés sur le toit du stade. De son côté, Audi a trouvé une façon originale pour donner une seconde vie aux batteries usagées de sa gamme Audi-e-tron. Le constructeur a conçu une unité mobile de chargement composée d’une dizaine de batteries avec 20 points de charge : 8 chargeurs haute puissance de 150 kW et 12 chargeurs d’une puissance de 11 kW.
Recyclage par voie thermique
Les composants des batteries sont broyés puis brulés pour détruire les matières organiques, avec captation des polluants contenus dans les cellules. La combustion produit un magma contenant les métaux avec des colles et plastiques fondus. A ce stade, deux voies sont possibles.
La pyrométallurgie qui poursuit l’action thermique à haute température (pyrolyse) pour n’obtenir que la partie métallique. Les métaux sont séparés en fonction de leur température de fusion. Leur distillation permet de les purifier pour éliminer les traces d’éléments polluants. Si besoin, un raffinage permet ensuite d’obtenir du métal de haute pureté, c’est-à-dire un métal pur à 99.99%, qui est ensuite coulé en lingots et envoyé aux usines fabricant les électrodes.
L’hydrométallurgie est une autre option possible pour extraire par voie chimique les métaux et les valoriser. Cette fois le premier résidu est solubilisé dans un bain d’acide pour permettre d’isoler et de purifier les métaux, en particulier les éléments rares très recherchées : lanthane, cérium, praséodyme, néodyme, etc.
Le recyclage par voie thermique a néanmoins de nombreux aspects négatifs. Il est gros consommateur d’énergie. Il pollue et génère des gaz à effet de serre. Il pose des questions pour la santé et les conditions de travail des ouvriers.
Recyclage mécanique
Le recyclage mécanique consiste à désosser les batteries : vider et récupérer les électrolytes, retirer les colles, les plastiques et autres composants de faibles valeurs pour isoler la cathode et la réutiliser dans une batterie neuve, quitte à la recharger un peu en matière. Cette voie était marginale jusqu’à encore récemment car les opérations sont délicates et compliqué pour isoler les parties réutilisables de certaines batteries. Par exemple il faut plus de 2 heures de travail pour démanteler un simple module d’une batterie Nissan Leaf. Pour les batteries Tessla, c’est pire encore car les cellules sont tenues ensemble par un ciment de polyuréthane presque indestructible.
Les constructeurs commencent néanmoins à comprendre que la conception des futures batteries doit évoluer pour faciliter leur recyclage. Par exemple BYD, un constructeur chinois, équipe à présent ses véhicules électriques de batteries plates nommées Blade facilement démontables : il est possible de retirer à la main les cellules de leur enveloppe sans avoir besoin de se battre avec des fils, des résines et des colles.
De nouvelles approches innovantes commencent également à apparaître en Europe. En Allemagne, la société allemande Duesenfeld, située près de l’usine de batteries de Volkswagen à Brunswick en Basse-Saxe, utilise un procédé mécanique « à froid » dont l’impact environnemental est très réduit. Selon ce procédé, les batteries sont déchiquetées mécaniquement sous une atmosphère inerte d’azote afin d’éviter tout incendie ou explosion. En baissant la pression et en créant un vide partiel, l’électrolyte s’évapore puis il est récupéré et purifié par condensation. Les métaux des électrodes, comme le cobalt, le nickel, le manganèse, l’aluminium ou le lithium, une fois débarrassés de l’électrolyte, peuvent être facilement triés par séparation magnétique ou gravimétrique. Les métaux et les matériaux récupérés permettent de fabriquer de nouvelles batteries. Le procédé permettrait de valoriser jusqu’à 85 % du contenu des anciens accumulateurs. Il consommerait 70 % d’énergie en moins, par rapport aux technologies thermiques. Enfin, comparé à la fabrication de batteries neuves à partir de matériaux vierges, il éviterait l’émission de gaz à effet de serre à raison de 3 tonnes de CO2 par tonne de batterie (2).
Le recyclage efficace des batteries est essentiel pour que l’essor de la voiture électrique soit réellement un progrès. Des filières de récupération, de valorisation et de recyclage des batteries usagées se mettent en place. Les technologies deviennent plus performantes et les rendements s’améliorent. Les signaux sont donc positifs mais l’urgence est là : d’ici peu de temps, ce sont des dizaines de millions de tonnes de batteries qu’il faudra traiter.
(1)Ian Morse, A dead battery dilemma, Science 21 May 2021: Vol. 372, Issue 6544, pp. 780-783 – DOI:10.1126/science.372.6544.780
(2) https://www.automobile-propre.com/recyclage-des-batteries-de-plus-en-plus-vert/