Depuis sa position exacte localisée dans le cercle arctique canadien en 1831, le pôle nord magnétique s’est déplacé sans relâche vers l’est en Sibérie. Selon une étude récente (a), la vitesse de cette dérive est passée de quelques kilomètres par an à environ 50 à 60 kilomètres par an au cours des deux dernières décennies. Pour de nombreux scientifiques, ce phénomène peut annoncer l’inversion imminente du pôle magnétique terrestre, au cours de laquelle le pôle magnétique nord se déplacera vers le pôle sud géographique et vice versa.
L’inversion des pôles magnétiques n’est pas nouvelle dans l’histoire de la Terre. Le dernier renversement s’est produit il y a 780 000 ans. Les géologues ont pu prouver que cela s’est produit environ 300 fois au cours des 200 derniers millions d’années, en moyenne tous les 700 000 ans. Cependant, ce phénomène n’a pas la régularité d’un métronome : la durée entre deux inversions peut varier considérablement, et dans l’état actuel des connaissances scientifiques, il est impossible de prédire avec précision quand sera la prochaine fois.
Le noyau externe de la terre est constitué d’un alliage de fer et de nickel en fusion et qui se déplace par rapport à la partie solide du noyau interne. La terre se comporte comme un générateur géant, créant un champ magnétique. Pendant la transition, pour des raisons inconnues, la masse liquide est devenue instable et avant l’échange, le champ magnétique panique et les pôles magnétiques se déplacent rapidement sur toute la surface de la terre et permutent. La période de transition dure généralement de 1000 à 10000 ans, mais certaines observations nous amènent à conclure que certaines transitions se produisent très rapidement, parfois dans l’espace-temps de la vie humaine pendant des décennies (b,c,d)
Si ce renversement se produit rapidement, l’impact sur notre civilisation serait très grave, voire catastrophique. En effet, pendant la période de transition, le champ magnétique s’affaiblira et aura de multiples conséquences. Les particules du vent solaire ne sont plus stoppées et touchent la Terre. L’effet de ces particules ionisées est peu connu, mais n’est peut-être pas négligeable. Cependant, il semble que les principales extinctions biologiques connues de la Terre n’aient rien à voir avec l’inversion des pôles magnétiques.
Une disparition du bouclier magnétique, même partielle , aurait certainement un impact très important sur nos technologies qui dépendent de l’électricité. Il y a déjà des failles dans la magnétosphère actuelle, comme celle à l’origine des aurores boréales. Certaines failles plus au sud perturbent parfois gravement la vie économique. Par exemple, en mars 1989, un fort vent solaire s’est englouti par l’une de ces failles au-dessus du Québec et a provoqué une panne de courant à travers toute la province pendant plus de neuf heures. En 2003, plusieurs légères tempêtes solaires ont également provoqués plusieurs pannes de courant dans le réseau électrique suédois.
Si le bouclier magnétique disparait ou est gravement affaibli pendant une longue période, notre civilisation pourrait ne pas être en mesure de supporter l’effondrement de notre infrastructure électrique et électroniques. Il n’y a actuellement pas de parade technologique pour compenser la disparition de notre bouclier magnétique qui nous protège des particules électriquement chargées émises par notre étoile.
Le problème soulevé par certains scientifiques est qu’il existe un lien entre le réchauffement climatique, la circulation de la couche liquide dans le noyau terrestre et les changements dans la magnétosphère. Les recherches de la NASA vont dans ce sens, notant que les pôles magnétiques du pôle Nord changent en raison du changement climatique. En fait, la fonte de la glace polaire modifie la distribution de la masse terrestre, son axe de rotation, et donc la direction du pôle nord magnétique. D’autres préfèrent une explication plus globale où l’homme ne joue qu’un rôle secondaire par rapport aux variations aléatoires d’une activité solaire qui affecterait tous les paramètres qui conditionnent l’équilibre de la planète y compris son champ magnétique et le climat.
(a) Recent north magnetic pole acceleration towards Siberia caused by flux lobe elongationPhilip W. Livermore, Christopher C. Finlay and Matthew Bayliff – Nature Geoscience volume 13, pages387–391(2020
(b) R. S. Coe, M. Prévot et P. Camps, « New evidence for extraordinarily rapid change of the geomagnetic field during a reversal », Nature, vol. 374, no 6524, 20 avril 1995, p. 687
(c)P ierre Barthélémy, « Les pôles magnétiques terrestres peuvent s’inverser brutalement » .blog.lemonde.fr, 5 octobre 2014 ,
(d) Leonardo Sagnotti, Giancarlo Scardia, Biagio Giaccio, Joseph C. Liddicoat, Sebastien Nomade, Paul R. Renne et Courtney J. Sprain, « Extremely rapid directional change during Matuyama-Brunhes geomagnetic polarity reversal », Geophysical Journal International, vol. 199, no 2, novembre 2014