Depuis des millions d’années, la Terre connaît des alternances de périodes glaciaires et de périodes interglaciaires avec des variations considérables du niveau des océans. Ainsi lors de la fin de la dernière période glaciaire, il y a quelque 20.000 ans, la fonte des calottes continentales et la dilatation de l’eau sous l’effet du réchauffement climatique[1] a entraîné une formidable remontée du niveau des mers de l’ordre de 120 mètres. Au plus fort de ce processus, il y a 14.000 ans, la hausse du niveau marin a pu atteindre 4 à 5 mètres par siècle pendant 400 ans selon une étude réalisée par une équipe scientifique française, étudiant les évolutions des récifs coralliens de Polynésie[2].
Après s’être peu ou prou stabilisé pendant quelques millénaires, le niveau des mers est reparti à la hausse au cours du 19ème siècle avec une nouvelle phase de réchauffement climatique. Le phénomène semble même s’accélérer depuis quelques décennies au point que, dans son dernier rapport, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a revu à la hausse ses prévisions. Il estime à présent que le réchauffement en cours pourrait se traduire par une montée des eaux de 0,5 à 1 mètre d’ici 2100.
Plus pessimiste encore, l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique, dans sa toute dernière analyse, n’exclue pas une montée du niveau des eaux pouvant atteindre 2,5 mètres en 2100, ce qui n’aurait d’ailleurs rien d’exceptionnel à l’échelle des temps géologiques. Ainsi pendant les précédents âges interglaciaires, le niveau des océans a souvent été supérieur au niveau actuel. Lors de la période interglaciaire de Riss-Würm, il y a 125.000 ans, les scientifiques estiment que le niveau des mers s’élevait à environ 6 mètres au-dessus du niveau actuel. Lors de la période interglaciaire de Mindel-Riss, il y a 400.000 ans, le niveau des mers s’est stabilisé à un niveau proche, à quelque 5 mètres au dessus de la valeur actuelle. A noter que pendant cette période les paramètres de l’orbite terrestre par rapport au Soleil étaient proches de la situation actuelle.
Ces constatations montrent qui si l’activité humaine explique sans doute une part du réchauffement actuel de note planète, d’autres paramètres, liés au système solaire, sont également à l’œuvre. En effet plus de 99% de l’énergie terrestre provient du soleil et toute variation même infime de l’activité solaire a d’énorme répercutions sur le climat. Les fluctuations de l’activité solaire affectent d’ailleurs les autres planètes qui nous entourent. Ainsi les calottes polaires martiennes se réduisent également et les températures moyennes relevées à la surface de Mars montrent qu’elles s’accroissent encore plus rapidement que sur Terre[3].
Quelles que soient les mesures prises pour tenter de contrôler le réchauffement climatique, qu’il faut prendre car elles ont, de toute façon, des impacts positifs pour l’environnement, il faut s’attendre à une modification importante du tracé des côtes marines dans le monde d’ici 2100 et plus encore dans les siècles à venir.
Avec l’hypothèse d’une montée des eaux limitée à un mètre d’ici 2100, ce sont quand même près d’un demi-milliard de terriens qui seront affectés dans les prochaines décennies.
En Asie, les pays très peuplés du sud du continent, entre autres, le Bangladesh, l’Inde, la Thaïlande, le Vietnam, seront les plus durement touchés. En Chine les zones industrielles de Shanghai ou de Shenzhen devront s’adapter très rapidement ou disparaître. Au Japon, Tokyo et Osaka feront également face aux inondations d’une grande partie de leurs agglomérations.
En Amérique du Nord, si le Canada devrait bénéficier du réchauffement climatique et devenir une puissance arctique majeure, les Etats-Unis par contre en subiront des effets dévastateurs. La façade atlantique dans son ensemble sera d’autant plus remodelée par la montée des eaux que les zones côtières subissent par ailleurs un phénomène de subsidence, c’est-à-dire un affaissement progressif de l’écorce terrestre. New-york, Miami, Cap Canaveral feront partis des zones les plus menacées. A l’ouest, le trait de côte de la Californie, de Los Angeles jusqu’à San Franscisco, pourrait reculer que plusieurs dizaines de kilomètres.
L’Amérique du Sud devra également faire face à l’élévation du niveau de la mer mais dans moins que pour d’autres régions. Des zones de pêche et de tourisme seront néanmoins touchés telle que Rio de Janeiro où la plage de Copacabana disparaitra.
En Afrique, le delta du Nil sera submergé et provoquera la migration forcée de millions d’habitants, de grandes métropoles comme Lagos au Nigeria, Abidjan en Côte d’Ivoire, Lomé au Togo, Le Cap en Afrique du sud devront également lutter contre les eaux. Des villages côtiers disparaitrons entièrement et avec eux certaines des plaines côtières les plus fertiles d’Afrique.
En Europe, des terres seront englouties le long de l’Atlantique, aux Pays-Bas, en Angleterre et en France où des villes comme Dunkerque, Saint-Malo ou Bordeaux seront touchées.
A plus long terme, la dernière étude exhaustive, publiée par 59 chercheurs de 17 pays, dans la revue scientifique Nature Géoscience[4] montre que les modèles climatiques actuels pourraient sous-estimer les changements climatiques à venir. Selon un communiqué du CEA français qui a participé à cette étude, « un réchauffement même limité de 1,5 à 2°C au-dessus du niveau pré-industriel sera suffisant pour causer une fonte substantielle du Groenland et de l’Antarctique à long terme, et engendrer une hausse du niveau de la mer de plus de 6 mètres qui persistera des milliers d’années. Des vitesses de montée du niveau de la mer supérieures à celles de ces dernières décennies sont alors probables »[5]. Une prévision qui rejoint les conclusions des paléoclimatologues qui ont pu mettre en relation, sur longues périodes, les cycles glaciaires et le niveau des océans.
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[1] Comme tout corps physique l’eau se dilate avec la température et plus la température s’élève, plus la dilation s’accentue. Le coefficient de dilation passe ainsi de l’ordre de 0,02% à 10° à 0,2% à 20° et 0,8% à 40°.
[2] Lettre n°5 du Changement Global (octobre 1996) : « Le niveau marin depuis 20 000 ans enregistré par les coraux ». La Lettre du Changement global, issue du Programme Mondial de Recherches sur le Climat, émane du Comité national français du changement global, en relation avec l’Académie des sciences.
[3] Lori K. Fenton, Paul E. Geissler & Robert M. Haberle. Global warming and climate forcing by recent albedo changes on Mars. Nature,Vol 446, 5 April 2007
[4] Fischer, H., Meissner, K.J., Mix, A.C., et al.: Palaeoclimate constraints on the impact of 2°C anthropogenic warming and beyond. Nature Geoscience, 25 June 2018.
[5] CEA, communiqué de presse du 26 juin 2018