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La ruée vers les astéroïdes

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Les astéroïdes présentent un intérêt économique car certains d’entre eux contiennent des grandes quantités de matières premières potentiellement utiles aux hommes. Psyché, un astéroïde de 200 km dans la ceinture des astéroïdes, contiendrait assez de fer et de nickel pour satisfaire la demande mondiale pendant plus d’un million d’années. Patrocle et bien d’autres astéroïdes troyens, probablement des comètes éteintes capturées par Jupiter, contiennent de grande quantité d’eau sous forme de glace

Les astéroïdes sont des corps célestes rocheux dont la taille peut varier de l’ordre du centimètre jusqu’à quelques centaines de kilomètres. Dans le système solaire, la plupart des astéroïdes sont sur une orbite autour du soleil située entre Mars et Jupiter. Dans cette zone on en compte des centaines de milliers et ils constituent ce qu’il est convenu d’appeler la ceinture d’astéroïdes qui marque la transition entre les planètes telluriques et les planètes géantes gazeuses.
D’autres astéroïdes, beaucoup plus lointains, en orbite solaire au-delà de Neptune constituent la ceinture de Kuiper. Quelques uns sont suffisamment gros pour être considérés comme des planètes naines. C’est le cas de Pluton.
On trouve aussi des astéroïdes qui partagent la même orbite qu’une planète ou un de ses satellites à des points stables appelés points de Lagrange[1]. Plusieurs milliers sont associés à Jupiter, Mars en a sept, Neptune en compte neuf et même la Terre en a un : 2010-TK7, qui mesure quelque 300 mètres.
D’autres astéroïdes, les géocroiseurs, ont des orbites qui croisent celle de la Terre. Les météorites qui tombent sur la Terre sont des astéroïdes de ce type ou des fragments d’astéroïdes attirés par la gravité terrestre. La plupart sont très petits et se désintègrent en entrant dans l’atmosphère, ce sont les étoiles filantes. Quelques uns sont toutefois suffisamment gros pour arriver jusqu’à sol et peuvent être analysés. L’impact sur la Terre d’un de ces astéroïdes plus gros que les autres est probablement à l’origine de la disparition des dinosaures il y a 65 millions d’années. Un autre est à l’origine du cratère de 200 km, en grande partie submergée dans le golfe du Mexique, qui borde la péninsule du Yucatán près du village de Chicxulub.
Dans le cadre de son « Système de Défense Planétaire » la NASA surveille quelques 8.000 astéroïdes géocroiseurs qui vont de quelques mètres à quelques kilomètres. Aucun astéroïde massif ne semble menacer la terre dans les 500.000 ans à venir mais de plus petits peuvent quand même faire des dégâts. L’étude plus précise des astéroïdes peut nous permettre d’anticiper et si possible de détruire ceux qui seraient potentiellement dangereux.
Les astéroïdes ont le même âge que la Terre. Ce sont les débris de matières qui n’ont pas été utilisés pour la formation des planètes lors de la naissance du système solaire. Du fait de leur petite taille, ils se sont rapidement refroidis figeant la composition de la nébuleuse protosolaire originelle. Certains astéroïdes contiennent de la glace et des composés carbonés. Mieux connaître les astéroïdes pourrait donc nous renseigner sur la Terre elle-même et peut-être aussi sur l’origine de la vie.

Certains astéroïdes de taille suffisante pourraient être des camps de base intermédiaires pour l’exploration spatiale et servir en quelque sorte d’étape de ravitaillement pour des destinations plus lointaines. Du fait de sa faible masse et donc de sa très faible gravité, il faut beaucoup moins d’énergie pour quitter un astéroïde que pour quitter la Terre.

Les Japonais ont été les premiers à rapporter un échantillon d’astéroïde. Le 9 mai 2003 l’agence spatiale japonaise (Jaxa) lance la sonde Hayabusa depuis le centre spatial Uchinoura. La cible initiale est Nérée, un petit astéroïde de 1 km de diamètre avec une orbite qui l’amène régulièrement à proximité de la Terre[2] mais suite à un retard de lancement l’objectif doit être modifié et la nouvelle cible est l’astéroïde Itokawa, un peu plus petit que Nérée et plus difficile d’accès.

L’opération est d’une incroyable complexité mais les Japonais parviennent à poser leur sonde sur l’astéroïde en novembre 2005. Après biens des difficultés, Hayabusa collecte les échantillons et redécolle pour la terre en avril 2007. De nombreuses péripéties marquent le voyage de retour mais finalement, le 13 juin 2010 à 13h51 TU, Hayabusa et sa capsule à échantillons pénètrent dans les couches denses de l’atmosphère terrestre. La sonde principale, comme prévu, ne résiste pas à cette rentrée mais la capsule, grâce à son bouclier thermique, résiste aux 2800°C atteint lors de la phase critique. Une fois la vitesse suffisamment réduite, le parachute muni d’une antenne chargée d’indiquer la position de la capsule s’ouvre. A 14h56 TU, son point d’atterrissage est identifié. Cet exploit marque le début de la course aux astéroïdes.

Les Japonais ont depuis envoyé une seconde sonde, Hayabusa 2, équipée d’un atterrisseur franco-allemand[3] en direction de Ryugu, un astéroïde de près d’un kilomètre de diamètre et les américains de la NASA ont lancé la mission Osiris-Rex à destination de Bennu, un astéroïde géocroiseur d’un diamètre d’environ 500 mètres. Le retour sur Terre des échantillons qui seront prélevés lors de ces missions est annoncé pour 2020-2023.

La NASA travaille également sur le projet ARM (Asteroid Redirect Mission) qui consiste à envoyer un engin robotisé sur un gros astéroïde pour en arracher un gros bloc de plusieurs tonnes et le ramener sur une orbite lunaire. Une mission spatiale habitée sera alors chargée d’aller examiner ce bloc et d’en ramener des échantillons à Terre.

Dans son plan spatial stratégique à l’horizon 2045, l’Agence Spatiale Chinoise retient également des missions exploratoires en vue de l’exploitation minière des astéroïdes. Une équipe de chercheur dirigée par Baoyin Hexi, professeur à l’Université Tsinghua à Pékin propose même, dans un article publié dans le Journal Chinois d’Astronomie et d’Astrophysics[4] de dévier l’astéroïde 2008 EA9 de son orbite initiale pour le repositionner et les stabiliser sur le point de Lagrange L1 à la limite de l’attraction terrestre pour mieux l’étudier et l’exploiter. Selon les chercheurs, les meilleures conditions seraient réunies pour réaliser cette opération en février 2049.

Des compagnies privées, comme Planetary Resources, se lancent aussi dans l’aventure des astéroïdes. Planetary Resources dont le siège social est à Redmond dans l’état de Washington aux Etats-Unis s’est également installé au Luxembourg qui est le premier pays à avoir fourni en 2017 un cadre légal pour l’exploitation des ressources spatiales. Après la mise sur orbite réussie, en janvier 2018, de son premier satellite expérimental Arkyd-6, Planetary Resources prépare le lancement de sa sonde spatiale Arkyd-301 qui aura pour mission de détecter l’eau sur les astéroïdes les plus proches de la Terre et de choisir celui qui permettra la meilleure exploitation de cette ressource. L’objectif final de l’entreprise est de mettre en place un système de livraison d’eau pour les missions engagées dans la conquête spatiale. Un des avantages des astéroïdes est leur très faible gravité ce qui réduit le coût du décollage des navettes. Cette eau est nécessaire à la survie des équipages et à leur hygiène mais elle permet aussi de produire de l’oxygène et de l’hydrogène par électrolyse. Elle est donc également une source d’oxygène sans laquelle les humains ne peuvent survivre et avec l’hydrogène elle est aussi un propergol potentiel pour les futurs vaisseaux en mission dans l’espace. L’eau surchauffée et vaporisée est par ailleurs utilisable comme vecteur de propulsion.

Les dirigeants visionnaires de Planetary Resources imaginent déjà la création d’autoroute de l’espace avec des dépôts de carburants en divers points du système solaire. A plus long terme, Planetary Resources envisage l’exploitation minière des astéroïdes riches en métaux. Ces métaux seraient extraits et purifiés sur place pour profiter de l’avantage économique que confère l’absence de pesanteur puis transformés en produits finis et livrés dans le reste du système solaire.

Deep Space Industries (DSI) est une autre compagnie américaine créée en 2013 qui s’intéresse aux astéroïdes. En partenariat avec la NASA, elle fait partie de cette centaine de startups créées depuis 2000 qui ont bénéficié de plus de 13 milliards d’investissements pour exploiter commercialement l’espace. Comme Planetary Resources et pour les mêmes raisons, DSI dispose d’une antenne au Luxembourg qui mène plusieurs projets de recherche et développement avec l’Université locale.

L’objectif de DSI est d’approvisionner en matières premières, depuis les astéroïdes, les acteurs de cette industrie spatiale en plein boom, « au bon endroit, au bon moment et au meilleur prix »

La technologie de DSI s’appuie les récentes innovations apparues dans le domaine des micro et nano satellites pour transformer les plateformes de microsatellites en outils robotisés pour accomplir à moindre coût des missions d’envergure dans l’espace. Son programme de développement comporte 4 phases. La mission initiale, Prospector-X, a pour but de tester la technologie DSI de ces micro-engins spatiaux, en particulier le système de propulsion, Comet-1, qui utilise le couple eau-énergie solaire comme source d’énergie et le système de navigation optique développé avec l’Université de Luxembourg. Cette phase est en bonne voie de réalisation. La seconde étape, Prospector-1, doit permettre de valider le dispositif pour l’approche et le rendez-vous avec un astéroïde qui sera sélectionné par les experts de DSI. Une fois arrivé au niveau de l’astéroïde, Prospector-1 devra le cartographier et l’analyser pour identifier les zones utiles pour l’extraction de l’eau ou des minerais. Une fois, ces zones repérées, Prospector-1 se posera en douceur sur l’astéroïde et mesurera les caractéristiques géophysiques du sol. Les deux dernières étapes, Harvestor-X et Harvestor-1, prévues dans la prochaine décennie, conduiront, selon les dirigeants de DSI, à l’exploitation opérationnelle, à faible coût et à grande échelle, des ressources des astéroïdes proches de la Terre.

Lors du congrès européen de planétologie, tenu à Riga en Lettonie, Pekka Janhunen[5] de l’Institut finlandais de météorologie a conforté l’idée d’utiliser des flottes de nano-satellites pour explorer et évaluer le potentiel des astéroïdes. Il propose de doter les nano-satellites de voiles solaires (e-sails) équipées d’une longe tournante de 20 km sous une tension de 10kV pour qu’elle entre en rotation sous l’effet des vents solaires et produise l’énergie nécessaire pour se déplacer en dehors de la magnétosphère terrestre. Chaque sonde pourrait analyser 6 ou 7 astéroïdes à chaque voyage et revenir sur terre pour télécharger les données recueillies. Le coût d’exploration serait ainsi abaissé à 200.000 euros par astéroïde.

Les délais annoncés par les uns et les autres semblent cependant optimistes car si techniquement l’accès aux astéroïdes ne présente guère plus de difficulté que pour la Lune, ces corps céleste sont situés beaucoup plus loin. Les communications entre la Terre et la ceinture des astéroïdes prennent plusieurs minutes même si les ondes radios voyagent à la vitesse de la lumière. Les astéroïdes géocroiseurs potentiellement plus proches sont donc des cibles prioritaires pour cette raison. Dans ce cas de figure l’exploitation restera malgré tout problématique tant qu’une présence humaine sera nécessaire dans des conditions aussi difficiles. Pour ces raisons, l’exploitation minière des astéroïdes ne devrait intervenir que dans la deuxième moitié du 21ème siècle lorsque que l’intelligence artificielle et les robots seront en mesure de suppléer l’homme pour ces missions délicates.

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[1] Le mathématicien français Pierre de Lagrange a démontré en 1772 que lorsque deux corps célestes orbitent l’un autour de l’autre, la force de gravitation et la force centrifuge s’équilibrent en 5 points. Deux de ces points L4 et L5 donnent lieu à des orbites particulièrement stables. Un corps céleste (ou un satellite artificiel) placé en ces lieux reste immobile par rapport aux deux autres.
[2] En 2021, Nérée est à 3,9 millions de kilomètres de la Terre. Au 21ème siècle, son passage au plus près de la Terre, à 1,2 millions de km, aura lieu en février 2060. Pour mémoire Mars est en moyenne à 76 millions de km de la Terre.
[3] Fourni par l’agence spatiale allemande DLR ( Deutsches Zentrum für Luft- und Raumfahrt) et le CNES (Centre National des Etudes Spatiales ) l’atterrisseur porte le nom de Mascot (Mobile Asteroid Surface SCOuT).
[4] Chinese Journal of Astronomy and Astrophysics), Vol. 10, Num. 6, pp.587-598, 2010
[5] Pekka Janhunen. European Planetary Science Congres 2017. Riga (Lettonie)

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