Voyage 2050 : les priorités de l’Agence Spatiale Européenne pour 2035-2050

Günther Hasinger, le directeur scientifique de l’Agence Spatiale Européenne vient de présenter les grandes lignes directrices de Voyage 2050, le cadre spatial des européens pour la période 2035-2050. Voyage 2050 prendra la relève de ” Cosmic Vision“, l’actuel programme en cours qui avait été préparé dès 2005 et lancé en 2015.

Trois axes prioritaires vont structurer l’action des européens pour cette période nous amenant à 2050.

Les lunes des planètes géantes

Certains corps célestes de notre système solaire pourraient potentiellement être habitables. Leur étude est essentielle pour cibler la recherche de planètes similaires à notre Terre au-delà du système solaire et pour mieux comprendre l’émergence de la vie.
Les Européens s’appuieront sur la réussite de la mission Cassini-Huygens, lancée en 1997 et qui s’est achevée en 2017 après un long périple à travers le système solaire au cours duquel elle a survolé Vénus Jupiter et finalement Saturne. Cette mission extraordinaire qui a duré 20 ans, fruit d’une vaste coopération entre la NASA qui a fourni la sonde Cassini et l’ESA qui a fourni le module Huygens, a permis de nombreuses découvertes, entre autre sur Saturne, ses anneaux et ses lunes, notamment Titan et Encelade.
L’exploration des lunes des planètes géantes pour la période 2035-20502 prolongera la mission “Jupiter Icy Moons Explorer” que l’ESA doit lancer vers les satellite naturels de Jupiter en 2022 avec la fusée Ariane 5. Cette sonde devra survoler à plusieurs reprises trois des quatre satellites galiléens de Jupiter — Callisto, Europe et Ganymède — avant de se placer en orbite autour de Ganymède en 2032 pour une étude plus approfondie jusqu’en juin 2033.
Le programme pour la période 2035-2050 visera à préparer des missions au-delà du système solaire. L’équipement scientifique devra permettre la recherche de biosignatures et l’étude de la composition interne des lunes, notamment les éventuels océans liquides qui pourraient se trouver sous leurs surfaces glacées. L’incorporation d’atterrisseurs ou de drones d’exploration seront également envisagés pour mener à bien cette mission.

Les exoplanètes et la Voie lactée

La Voie lactée contient des centaines de millions d’étoiles et de planètes ainsi que de la matière noire et de la matière interstellaire. Cet univers proche nous est cependant mal connu. Mieux comprendre notre propre galaxie et son histoire, y compris ses « régions cachées », devrait nous permettre de mieux comprendre les galaxies en général.
Par ailleurs, en ce début de XXIe siècle, nous savons maintenant que les systèmes planétaires sont très fréquents dans la Voie lactée. L’étude de ces exoplanètes, en particulier leurs spectres d’émission thermiques, dans l’infra-rouge moyen, pourrait permettre de voir si elles abritent des conditions de surface propices à la vie. Déjà, dès 2026, l’ESA doit placer sur orbite l’observatoire PLATO (PLAnetary Transits and Oscillations of stars) dont l’un des principaux objectifs est la découverte et la caractérisation d’exoplanètes de type terrestre autour d’étoiles proches et de magnitude apparente comprise entre 4 et 16. Voyage 2050 prolongera cette mission. Quand on sait que des exoplanètes ont également été détectées dans des systèmes solaires d’autres galaxies (1) et qu’il existe des milliards de galaxies, le nombre d’exoplanètes dans l’Univers doit aussi être quasi infini ce qui peut permettre de penser que la vie soit elle-même un phénomène répandu dans le cosmos.

La compréhension de l’origine de Univers

Comment l’Univers est-il né ? Comment les premières structures cosmiques et les trous noirs se sont-ils formés et comment ont-ils évolué ?

Il y a une dizaine d’année, le satellite Planck de l’ESA a étudié le le rayonnement fossile qui a suivi le Big Bang, celui émis dans le domaine micro-ondes alors que l’univers se réduisait à un gaz chaud et quasi homogène. L’étude de cette première lumière émise par l’univers a fourni une multitude d’informations sur son contenu, sur son taux d’expansion et sur la formation des premiers grumeaux précurseurs des galaxies.
Peu après, en 2017, l’ESA a pris le leadership du projet LISA (Laser Interferometer Space Antenna) avec l’objectif de détecter des ondes gravitationnelles de basses fréquences. Après la mise en service des observatoires terrestres LIGO et Virgo qui ont déjà obtenu des résultats prometteurs, le premier observatoire spatial d’ondes gravitationnelles devrait être lancé en 2032.
Pour la période 2035 -2050, l’ESA va continuer de s’intéresser à la question de l’origine de l’Univers, si fondamentale en physique et en astrophysique. Dans la continuité du projet LISA, elle approfondira le potentiel offert par la détection et l’analyse des ondes gravitationnelles. De même, partant des acquis de la mission Planck, elle reprendra la spectroscopie du fond diffus cosmologique en élargissant la gamme de longueurs d’onde analysées.

Au delà des ses trois axes prioritaires, l’ESA continuera sa politique de partenariat avec les grandes agences spatiales du monde entier. Elle participera à des projets internationaux comme celui du télescope spatial James Webb ou ceux en gestation concernant l’exploration spatiale au-delà du système solaire.
L’ESA cherchera aussi à augmenter la part des missions “moyennes” qu’elle peut mener de façon autonome dans l’esprit des missions réalisées récemment ou déjà prévues pour la période en cours : Venus Express, Mars Express, le télescope spatial Euclid (2022), l’explorateur d’exoplanet Ariel (2029), etc.

Enfin l’ESA restera active au niveau des sciences qui nourrissent l’exploration spatiale (astrométrie, astronomie, astrophysique, physique fondamentale, etc.) et elle continuera d’investir dans les développement de technologies qui deviendront matures dans le deuxième moitié de ce siècle couvrant de sujets aussi variés que l’énergie pour les missions hors du système solaire, la collecte et le retour d’échantillons de glaces cométaires, l’interférométrie aux rayons X pour l’étude des trous noir, etc.

Les choix stratégiques et les grandes options étant validées pour la période 2035-2050, l’ESA va maintenant préparer de façon précise et détaillée les différentes missions du cycle Voyage 2050.

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(1) Xinyu Dai and Eduardo Guerras 2018 ApJL 853 L27 – doi: 10.3847/2041-8213/aaa5fb

Jacques CARLES

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