Une équipe de physiciens parvient à congeler de l’antimatière.

L’antimatière
Les particules composant l’antimatière ont des charges opposées à celles des particules correspondantes de la matière. Par exemple, la matière comprend les protons, positifs, et les électrons, négatifs. Quand l’antimatière comprend les antiprotons, négatifs, et les antiélectrons positifs (ou positons).
La première particule d’antimatière découverte est un antiélectron détectée par Carl David Anderson qui étudiait les rayons cosmiques. L’antiproton est découvert en 1955 et l”antineutron en 1956. Le premier atome d’antimatière, l’antihydrogène, est créé en 1995 au CERN à Genève.
Quand l’antimatière et la matière entrent en contact, elles s’annihilent mutuellement et sont alors totalement transformées en énergie, suivant l’équation E=mc2.
Selon le modèle standard de la cosmologie, la matière et l’antimatière devraient se trouver en quantités égales dans l’univers, ce qui n’est pas le cas : la quasi absence d’antimatière a été établie dans tout l’univers visible. Une hypothèse est l’existence d’une “asymétrie” entre matière et antimatière qui expliquerait la prédominance de la matière dans notre Univers. Une autre hypothèse est que l’antimatière pourrait se trouver au-delà du champ de vision de nos télescopes. En effet notre Univers a 13,7 milliards d’années et il n’est possible de voir que les objets dont la lumière a voyagé pendant moins de 13,7 milliards d’année, ce qui situe la limite de l’univers observable à une distance spatiale, non pas de 13,7 milliards d’années-lumière mais de 43 milliards d’années-lumière, à cause de l’expansion de l’Univers). L’antimatière pourrait très bien se trouver au-delà de l’ « horizon » visible de nos instruments.
On observe d’ailleurs, aux frontières de l’univers observable, des éléments de la taille d’une galaxie, mais illuminant l’espace avec l’intensité de milliards de galaxies. Ces objets célestes pourraient être des régions où matière et antimatière se rencontreraient et se concentreraient, sous l’attraction gravitationnelle, en une sorte de galaxie mixte où les rencontres entre matière et antimatière seraient très nombreuses, d’où leur forte luminosité.

Le refroidissement par laser

Le photon a une masse nulle mais il est porteur d’une énergie et peut exercer une force sur les particules avec les lesquelles il entre en collision. Un flux de photons peut ainsi ralentir le mouvement d’atomes ou d’ions. Ce phénomène connu depuis une quarantaine d’années sous le nom de refroidissement laser a révolutionné la physique des dernières décades. Cette propriété a trouvé de nombreuses applications et permis de grandes avancées en physique fondamentale mais elle n’avait encore jamais été utilisée pour l’étude de l’antimatière.

Une prouesse technique

Pour la première fois une équipe internationale de physiciens est parvenu à maintenir des atomes d’antihydrogène dans un champ magnétique et à les soumettre à un rayonnement laser pour figer leur mouvement et diviser par 10 leur énergie cinétique jusqu’à atteindre des énergies inférieures à un microélectronvolt (l’équivalent en température de 0,012 degrés au-dessus du zéro absolu).

L’antimatière nécessaire pour ces expérience a été produite un équipement spécial du CERN de Genève appelé ALPHA 2 : Antihydrogen Laser Physics Apparatus (deuxième version). Pour faire fusionner les antiprotons et les antiélectrons conduisant aux atomes d’antihydrogène, les chercheurs ont utilisé une rayonnement laser réglé sur une longueur d’onde très précise dans l’ultra-violet.

Cette technique permettant en quelque sorte de congeler l’antimatière, décrite en détail dans un article publié dans la revue scientifique  Nature,  pourrait aider les scientifiques à mesurer les propriétés internes des antiatomes d’hydrogène avec beaucoup plus de précision. Ils pourraient également étudier leur comportement sous l’influence de la gravité.

Enfin la comparaison de ces mesures avec celles de l’atome d’hydrogène pourrait révéler des différences entre matière et antimatière susceptibles de nous aider à comprendre pourquoi l’univers est uniquement constitué de matière (voir encart ci-contre). Elle ouvre par ailleurs la voie à la construction de premières molécules d’antimatière.

Jacques CARLES

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