Monte-charges et toupies pour remplacer les batteries ?

Les énergies renouvelables comme le solaire ou l’éolien sont variables, elles dépendent de l’ensoleillement ou de la vitesse du vent. Pour assurer la stabilité du réseau électrique qu’elles alimentent, il est nécessaire de stocker l’énergie reçue quand celle-ci dépasse les besoins et de renvoyer cette énergie stockée vers le réseau quand la demande devient supérieure à la production, par exemple la nuit ou en absence de vent.
Pour le moment le recourt aux batteries est la solution généralement adoptée pour faire face à cette “intermittence” mais d’autres options moins connues sont possibles. De même que les barrages servent à réguler l’énergie hydroélectrique en stockant l’énergie potentielle liée à la gravité dans des lacs artificiels, des ingénieurs pensent stocker l’énergie du soleil ou celle du vent sous forme d’énergie potentielle de gravité. d’autres veulent stocker l’énergie sous forme d’énergie cinétique de mouvement.

A vrai dire l’idée n’est pas totalement nouvelle puis que des constructeurs d’ascenseurs, par exemple Otis,  ont déjà conçus des système qui permettent de récupérer à la descente l’énergie potentielle de gravité acquise à la montée de la cabine. De même les toupies de notre enfance illustrent comment de l’énergie mécanique peut être transformée en énergie cinétique.

Parmi les quelques startup qui empruntent cette voie avec de grandes ambitions, Gravitricicy  vient de présenter les premiers résultats obtenus avec l’unité pilote qu’elle vient de finir de construire, en mars 2021, avec Huisman Equipment et ISC controls. Le prototype se présente sous la forme d’une tour métallique de 14,5 mètres dans laquelle évolue deux blocs métalliques de 25 tonnes chacun, l’un surnommé Maggie en référence à  Lady Margaret Moir, fondatrice de la Women’s Engineering Society et l’autre Isaac, en référence à Isaac Newton, l’emblématique figure des sciences.

Pilote Gravitricity/Huisman

Durant le premier mois de test, Gravicity a réussi à stocker de l’énergie électrique sous forme d’énergie potentielle puis à la restituer au réseau électrique écossais avec puissance délivrée de 250 kW (1). Les essais doivent se poursuivre jusqu’à l’été pour optimiser le rendement et collecter les données nécessaires pour la construction d’une unité opérationnelle capable de délivrer une puissance de plusieurs mégawatts (Mw) sur le réseau électrique local.

Cet objectif est lointain pour la petite société écossaise mais, en Suisse, la société Energy Vault s’en rapproche déjà. Après les résultats encourageants obtenus en 2018 avec une première unité pilote montrant des rendements de près de 90%, elle termine actuellement la construction d’une grande unité de démonstration commerciale connectée au réseau national suisse d’électricité. Les masses utilisées pour stockées l’énergie potentielle de gravité sont des blocs de béton composite de 35 tonnes. L’objectif est de parvenir à un système de stockage en mesure de stocker de 20 à 80 MWh pour une capacité de puissance d’énergie délivrée de 4 à 8 MW sur 8 à 16 heures.

Stocker l’énergie sous forme d’énergie potentielle en soulevant et en baissant des masses ne requiert que des pièces métalliques (poutrelles, blocs, cables, etc.) dont la durée de vie est bien supérieure à celle de batteries électriques qui ne supportent qu’un nombre limité de cycle de rechargement. Le coût de stockage et l’empreinte écologique sont aussi bien moindre comparés aux batteries chimiques lithium-ion. Peu gourmande en surface de sol, plus économique et  éco-responsable la voie du stockage de l’énergie intermittente sous la forme d’énergie potentielle de gravité pourrait trouver des débouchés intéressants, en particulier dans l’industrie ou les grandes infrastructures (hôpitaux, aéroports, tour résidentielles, etc.). Avec l’appui de l’Université Ryerson de Toronto, la société canadienne WZMH travaille même sur la possibilité de récupérer la quantité importante d’énergie gaspillée lors des tests mensuels sur les générateur de secours des grands centres de données numériques (data centers). La solution retenue consiste à utiliser des monte-charges pour récupérer, sous forme d’énergie potentielle de gravité, l’énergie électrique perdue lors de ces tests afin de la restituer ensuite au réseau (2).

Dans un esprit similaire mais en utilisant l’eau comme vecteur d’énergie potentielle de gravité, Gravity Power, en Californie et New Energy Let’s Go en Allemagne, se proposent de stocker l’énergie  en soulevant, avec un piston,  de l’eau  dans une colonne pour rendre ensuite au réseau cette énergie potentielle de gravité en libérant l’eau vers un générateur hydroélectrique.  Les Allemands imaginent pouvoir ainsi stocker jusqu’à  10Gwh!

Enfin, plus original est le procédé de société française Energiestro qui a  mis au point un système très innovant de volants d’inertie en béton qui, animés à grande vitesse, stockent l’énergie sous forme cinétique. Les avantages sont d’une part une durée de vie quasi illimitée comparée à celle des batteries et d’autre part un très faible coût de production. Une première unité expérimentale sera livrée en Guyanne à Voltalia, une entreprise internationale du secteur des énergies renouvelables et une autre à Engie au  centre expérimental Thémis des Pyrénées-Orientales. La puissance de ce petit modèle de démonstration reste modeste (10kW) mais en cas de réussite une voie originale de stockage à très faible coût des énergie intermittente pourrait voir le jour ce qui ne pourrait qu’amplifier et accélérer l’essor des énergies renouvelables. Cette technologie pourrait notamment offrir le stockage idéal des grandes centrales solaires dans les zones désertiques de pays en développement.

(1) newsletter Gravitricity, 25 avril 2021
(2) datacenterdynamics.com

Jacques CARLES

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