Dans le secteur minier, plusieurs indices illustrent les difficultés à venir. Par exemple, la concentration en métal dans le minerai ne cesse de diminuer depuis plusieurs décennies pour de très nombreux métaux (cuivre, or, plomb, zinc, uranium, nickel, argent, etc.). Cette baisse tendanciel le s’observe un peu partout dans le monde, quelque soit le pays d’extraction.
Le minerai doit par ailleurs être recherché dans des zones de moins en moins accessibles ou à des profondeurs de plus en plus importantes. La mine de cuivre à ciel ouvert de Bingham Cayon aux Etats-Unis atteint déjà la profondeur de 1200 mètres, la mine de Chuquicamata, autre mine de cuivre à ciel ouvert au Chili, s’enfonce de 800 mètres. La mine de cuivre, zinc et plomb du Mont Isa en Australie atteint la profondeur de 1800 mètres. Dans le nord-ouest du Québec, la mine La Ronde située dans la région de l’Abitibi, qui produit de l’or, de cuivre, du zinc et de l’argent, descend à 2200 mètres. Le record du monde est détenu par la mine d’or de Tau Tona en Afrique du sud : les mineurs mettent une heure pour descendre au fonds du puits à quelque 4 km de profondeur.
Par ailleurs les investissements nécessaires dans le secteur minier deviennent pharaoniques. Par exemple, la mine à ciel ouvert de cuivre et d’or d’Oyu Tolgoi, située dans le désert de Gobi en Mongolie, a coûté quelque 10 milliards de dollars au consortium créé par le groupe canadien Turquoise Hill Resources (66%) et le gouvernement Mongol (34%).
Ce n’est donc pas tant l’épuisement des ressources métalliques qui pose problème mais la nécessité de disposer à la fois d’un savoir-faire spécialisé, de moyens technologiques adaptés et de capitaux considérables pour l’exploration, la découverte et l’exploitation de nouveaux gisements.
La carte minière du monde est en effet encore loin d’être exhaustive. De nombreuses zones sont encore à prospecter y compris les fonds marin qui représentent les deux tiers de la surface du globe. Des gisements importants sont connus mais gelés pour des raisons politiques, par exemple en l’Iran riche en cuivre et en zinc, ou idéologiques, par exemple en France où aucun grand projet minier n’existe contrairement à la plupart des pays européens : la pression écologiste ne permet pas d’y explorer sérieusement le potentiel géologique des zones du socle cristallin.
Enfin contrairement aux hydrocarbures qui n’existent plus au-delà d’une certaine profondeur, les métaux sont présents dans l’ensemble de la croute terrestre. Même si les concentrations peuvent y devenir faibles, les quantités de roches terrestres sont telles que le potentiel, sans être illimité, reste considérable.
Ceci dit si les ressources minérales naturelles sont donc en théorie disponibles pour longtemps, des tensions et des situations de pénuries sont néanmoins prévisibles car les conditions technologiques, financières et politiques ne seront pas toujours réunies pour permettre à la production de suivre une demande qui s’emballe.
Prenons l’exemple du cuivre. Depuis quelques décennies, la croissance de la consommation de ce métal est d’environ 3% ce qui est déjà un rythme élevé puisque cela correspond à un doublement de la demande en moins de 25 ans. Si la tendance se poursuivait à ce niveau il faudrait trouver d’ici à 2050 plus de cuivre que l’homme n’en a jamais produit dans toute son histoire. Or la réalité sera sans doute encore plus tendue. Selon le cabinet britannique CRU [1], le marché du cuivre va connaître une nouvelle et brusque accélération de la demande avec l’arrivée de la voiture électrique et les récentes décisions chinoises pour en favoriser le développement. Une voiture contient actuellement environ 25 kg de cuivre, les futures voitures électriques en contiendront chacune de l’ordre de 80 kg. Cette accélération n’ayant pas été anticipé suffisamment, la pénurie de cuivre s’installera d’ici 2050.
De situations analogues vont se rencontrer dans le domaines des métaux rares qui enregistrent des taux de croissance de l’ordre de 10% par an : dysprosium, néodyme, indium, gallium, germanium, sélénium, terbium, coltan, lanthane, hafnium, etc. Ces nouveaux matériaux sont portés par une demande explosive en provenance des nouvelles technologies, du secteur des énergies vertes, de l’aéronautique ou encore du spatial : disques durs, écran plats, caméras digitales, éolienne, ampoules basse consommation, batteries des véhicules hybride… Les gisements exploités de métaux rares sont encore peu nombreux, pour l’essentiel en Chine ou en Mongolie et certains sont déjà en cours d’épuisement.
Plusieurs experts annoncent également des temps difficiles pour les métaux précieux. Par exemple, le professeur Mansoor Barati, spécialiste des métaux, à l’Université de Toronto annonce la fin des réserves exploitables d’argent pour 2029, le service géologique des Etats-Unis (U.S. Geological Survey) est plus optimiste et annonce l’épuisement des mines d’argent pour 2037. Une situation qui s’explique par le fait que la demande d’argent, qui traditionnellement concernait la bijouterie, s’est étendue à d’autres secteurs : l’électricité, l’électronique, la médecine, etc.
Le cas de l’or est encore plus complexe. Les mines d’or légendaires comme Witwatersrand en Afrique du Sud, Carlin Trend au Nevada et Super Pit en Australie arrivent au terme de leur vie mais d’autres sont encore bien productives et de nouvelles découvertes sont annoncées : le groupe Shandong Gold, deuxième producteur chinois, vient d’annoncer la découverte d’un gisement dont la durée d’exploitation serait de 40 ans à partir du début des opérations. L’offre n’est donc pas tari mais la demande est aussi en forte augmentation car, plus encore que l’argent, le métal est utilisé dans nombre d’industries de pointe. Enfin une difficulté supplémentaire vient du rôle historique de l’or comme valeur refuge et du fait qu’il y a environ 100 fois plus d’or papier en circulation que d’or physique disponible. Un vent de panique sur les marchés financier n’est donc pas exclu si la base physique garantissant l’or papier vient à s’amenuiser au-delà du raisonnable.
Pour les métaux de base comme le fer, l’aluminium ou le zinc, la situation devrait se stabiliser vers la fin du siècle quand la consommation par habitant des pays émergents, ou de ceux qui vont le devenir, rattraperont peu à peu le niveau actuel des pays développés. Cela correspondra malgré tout à un triplement ou à un quadruplement de la demande actuelle et donc à un gigantesque challenge.
A long terme, les ressources minérales n’étant pas infinies sur Terre, l’économie circulaire s’imposera mais le recyclage à 100% restera utopique, techniquement et humainement, si la Terre maintient une population de plus de 10 milliards d’habitants. L’essor prévisible du spatial pourrait contribuer à résoudre en partie l’équation en rendant possible l’importation sur Terre de minerais provenant de la Lune, de Mars ou des astéroïdes.
En attendant un nouvel équilibre devra s’imposer pour optimiser la disponibilité des matières minérales à un coût économique acceptable tout en prenant en compte la nécessité de préserver l’environnement. Cette dernière exigence peut conditionner l’exploitation de nouveaux gisements à la mise au point de nouvelles techniques. Ce sera le cas par exemple des mines à faible teneur en métal, à grande profondeur, sous la mer ou dans les régions arctiques. Autant de facteurs qui renforceront les tensions et les risques de pénuries, au moins provisoires, en attente des solutions adaptées.
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[1] CRU est un consultant britannique fondé en 1969 par Robert Perlman and John Horam. Spécialisé à l’origine sur le marché du cuivre, le cabinet couvre à présent l’ensemble des marché des matières premières dans le monde entier.
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