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L’économie du partage : un vrai business?

 L’économie du partage renforce le lien social, rentabilise les équipements, réduit le gaspillage et préserve l’environnement. Elle bouscule ainsi de nombreux secteurs d’activités et induit de nouveaux comportements. D’alternatifs, les entrepreneurs de l’économie du partage sont toutefois devenus de vrais hommes ou femmes d’affaires. Avec une croissance annuelle à deux chiffres, le poids de l’économie du partage devrait dépasser les 500 milliards d’euros d’ici 2025.

Dans les premiers temps d’internet, les chercheurs ont pris l’habitude de mettre en ligne, gratuitement, à disposition de leurs collègues scientifiques les résultats de leurs travaux. Cela a permis d’accélérer l’innovation et a entrainé un mouvement de partage des savoirs dont Wikipédia est aujourd’hui l’illustration pour le grand public.

Le modèle économique de Wikipedia repose sur la générosité des utilisateurs. Chaque année, l’organisation sans but lucratif Wikimedia Foundation mène avec succès une levée de fonds pour financer la célèbre encyclopédie libre, sans publicité et gratuite. Le soutien du public est tel que Wikimedia foundation dispose aujourd’hui de 92 millions de dollars de fonds propres, de quoi s’assurer un filet de sécurité pour poursuivre son développement.

La terrible canicule qui tue 15.000 personnes en France, lors de l’été 2003, révèle l’isolement voire de l’abandon de certaines personnes âgées. Parallèlement, de nombreux jeunes rencontrent des difficultés pour se loger en ville. Ce double constat conduit à la création de l’association « Un Toit 2 Générations » qui se fixe l’objectif de promouvoir le développement de l’habitat intergénérationnel en organisant le partage du logement d’une personne âgée vivant seule et d’un jeune à la recherche d’un logement à moindre coût. Aujourd’hui plusieurs centaines de personnes participent à cette expérience de vie enrichissante et originale qui contribue à la prévention de l’isolement des personnes âgées et favorise l’émergence d’une offre nouvelle de logements solidaires pour les jeunes.

CouchSurfing est à l’origine une association, crée en 2004, sans but lucratif qui gère une plateforme internet pour permettre un service d’hébergement temporaire, de personne à personne. Les hébergeurs proposent en ligne un lit ou un canapé pour dormir à une personne de passage. Les hébergés offrent en retour de menus services comme faire la cuisine ou simplement animer la soirée par leur conversation dans une logique d’échange culturel. Le succès fut immédiat et s’est étendu au monde entier.

Aujourd’hui le partage de connaissances, de biens ou de services gagne de nombreux domaines. Au départ les pionniers de cette forme d’échange étaient surtout motivés par des sentiments altruistes. Le concept se voulait à contre courant du système marchand capitaliste mais, avec le succès, le partage est aussi devenu la base d’un nouveau modèle économique susceptible de bouleverser bien des secteurs dans les années à venir. « Un Toit 2 Générations » a ainsi rejoint le groupe « SOS Seniors ». L’association Couchsurfing s’est transformée en société commerciale.

Comme l’économie collaborative, l’économie du partage utilise largement les nouvelles technologies, notamment les plateformes internet qui mettent en relation les demandeurs et les offreurs.

Certains de ces nouveaux acteurs sont devenus en quelques années de véritables multinationales à l’image de « Airbnb », la plateforme communautaire de location et de réservation de logements entre particuliers fondée par les Américains Brian Chesky et Joe Gebbia. Dès 2015, avec environ 425.000 nuitées et plus de 155 millions d’hôtes par an[1], « Airbnb » dépassait le réseau mondial des hôtels Hilton et aujourd’hui, à Wall street, la capitalisation boursière de « Airbnb » dépasse les 20 milliards d’euros.

Comme pour le logement, l’autopartage se développe aussi un peu partout dans le monde. Plutôt que d’acheter une voiture personnelle qui reste l’essentiel de son temps au garage ou sur une place de stationnement, l’utilisateur dispose d’une voiture qu’il ne finance que pour la durée dont il en a l’utilité.

Depuis déjà l’an 2000 la société américaine Zipcar (rachetée depuis par Avis) propose un service de location de voiture sur le mode de l’autopartage. Les utilisateurs, les « Zipsters », disposent d’une carte, la « Zipcard », permettant de déverrouiller les portes de l’ensemble des véhicules. La réservation d’une automobile se fait par téléphone ou en ligne sur l’Internet.

Turo (anciennement RelayRides), entreprise basée à San Francisco fut par la suite une des première à ouvrir une plateforme d’échange entre propriétaires particuliers d’automobiles et personnes désireuses de louer une voiture ponctuellement. Aujourd’hui avec son application sur smartphone, Turo propose plus de 170.000 voitures en partage et compte plus de 4 millions d’utilisateurs.

L’autopartage, particulièrement adaptée aux grandes villes, ne cesse à présent de se développer avec des offres très diversifiées.

A Paris, par exemple l’application Free2Move, donne accès, sur son téléphone, aux nombreux prestataires d’autopartage opérant sur la capitale française et visualise les véhicules disponibles sur plan par rapport à votre position. Vous avez le choix entre des réseaux de location de voitures entre particuliers (Koolicar, Travelcar, Drivy, GoMore, etc.), des chaines internationales comme la canadienne Communauto ou l’européenne Ubeeqo (rachetée par Europcar), des prestataires spécialisés comme Citydrop pour les utilitaires, Toosla pour les voitures 100% connectées ou encore Autolib’ le service public d’auto-partage de véhicules électriques en libre-service. Si vous craignez de ne pas arriver à l’heure à votre rendez-vous, vous pouvez même louer un Scooter électrique avec la start-up « COUP ». Vous commencez et finissez votre location dans leur zone d’activité au cœur de Paris. Entre les deux, vous roulez où vous voulez en vous faufilant dans la circulation. Le service est disponible 24h/24, 7j/7, batteries chargées à bloc !

Parmi les nombreux constructeurs qui proposent aujourd’hui un service d’autopartage, l’allemand Daimler est le seul à proposer un service d’autopartage intégral : Car2Go. Les véhicules, des Smart Fortwo ou des Mercedes-Benz (GLA ou CLA), peuvent être utilisées pour une courte durée sur la base d’une facturation à la minute. Les véhicules sont disponibles dans des parkings dédiés mais, contrairement à l’autopartage classique, ils peuvent aussi être pris ou laissés n’importe où sur la voirie. Il n’est pas nécessaire de réserver, l’usager utilise une application pour localiser, en temps réel, la voiture la plus proche de lui. Il n’a même pas l’obligation de faire le plein ! Car2Go est disponible dans de nombreuses grandes villes aux USA, au Canada, en Allemagne, en Italie, en Espagne, aux Pays-Bas, en Autriche et en Chine. En France et en Angleterre, Car2Go n’a cependant pas rencontré le succès espéré et a du suspendre ses opérations. Les Anglais comme les Français restent encore attachés à la possession de leur voiture.

Cette réticence des anglais et des français devrait néanmoins n’être que provisoire car tous les experts s’accordent pour prédire que la voiture partagée deviendra la norme avec l’arrivée des véhicules autonomes.

Les bateaux, comme les voiture, deviennent aussi accessible sur le mode partagé : des sites comme Sailsharing, Click and Boat, SamBoat, Boaterfly ou PLACEdelaLOC permettent aux propriétaires de rentabiliser leurs bateaux en les louant à d’autres utilisateurs.

Le covoiturage est une variante intelligente et innovante de l’autopartage. Dans ce domain, le français Blablacar, présent dans de nombreux pays, compte plus de 25 millions d’utilisateurs. Sur courtes distances, Blablacar concurrence le bus et le taxi. Sur de longs trajets, Blablacar est considéré par la SNCF comme le concurrent le plus sérieux du TGV.

L’économie de partage devient aussi très présente dans les services à la personne.

En Australie, presque deux millions de personnes utilisent leur smartphone et l’application d’Airtaskers quand ils ont besoin d’aide pour bricoler, pour nettoyer un tapis, pour un travail de secrétariat, pour configurer un ordinateur, etc. Le Herald Sun, un journal de Melbourne, rapporte le cas d’un peintre auto-entrepreneur, Diz Jangra, récemment immigré en Australie qui gagne aujourd’hui plus de 150.000 euros par an grâce à Airtaskers en travaillant environ 40 heures par semaine.

En France, le site « Les talents d’Alphonse » permet aux jeunes actifs de profiter de l’expérience d’un retraité qui habite près de chez eux pour apprendre la musique, l’anglais, le jardinage, la couture voire garder les enfants et jouer avec eux. Le service est particulièrement apprécié des trentenaires, c’est aussi un moyen pour les anciens d’arrondir leur retraite et de rester en contact avec les jeunes générations. C’est aussi une bonne affaire pour la start-up à l’origine du concept.

La plateforme «  Seniors à votre Service » met également en relation seniors et employeurs. Elle s’adresse d’une part aux particulier qui ont besoin de services à domicile : gardiennage de maisons, aides aux personnes âgées, courses, ménage, etc. D’autre part, elle travaille également avec les entreprises qui recrutent des seniors pour des taches temporaires allant du secrétariat au marketing en passant par les ressources humaines, la finance et les télécommunications.

Un autre start-up, « Paupiette », met en relation étudiants et séniors sur le temps du déjeuner pour partager un bon petit plat. Une façon de lutter contre la solitude des séniors tout en proposant un repas complet à petit prix aux étudiants.

Le principe de l’échange entre particuliers s’étend enfin jusqu’au secteur bancaire comme l’illustre par exemple le « lending Club », une société américaine, basée à San Francisco, fondée par le français Renaud Laplanche et qui fut la première société de prêt entre particuliers à enregistrer son offre auprès de la Securities and Exchange Commission (SEC). Lending Club gère une plateforme de prêt en ligne qui permet à des emprunteurs d’obtenir un prêt et à des investisseurs d’acheter des titres qui sont valorisés par le remboursement des prêts. Depuis sa création en 2006, la plateforme affiche un montant total de prêts approchant les 40

Vers 2025 cette forme d’emprunt pourrait représenter jusqu’à 25% des prêts des particuliers estime le Crédit suisse[2].

Le financement participatif (crowdfunding) est autre exemple de service financier qui connaît une popularité croissante. Plusieurs plateforme internet permettent ainsi de lever des fonds pour financer des missions humanitaires, des spectacles, des créations de start-ups, des lancements de nouveaux produits ou tout autre projet sans passer par les banques.

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[1] PwC. “The Sharing Economy” – 2015
[2] Selon le groupe Zurich, la plus grande compagnie d’assurance en Suisse

Jacques CARLES

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