Le monde compte aujourd’hui environ un demi-million de personnes âgées de plus de 100 ans soit quatre fois plus qu’il y a vingt ans. Selon le Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies, les centenaires seront 4 millions à l’horizon 2050 et quelque 20 millions à la fin du siècle.
L’augmentation spectaculaire du nombre de centenaires illustre un phénomène plus général : la planète vieillit. D’ici à 2100, les seniors de plus de 60 ans représenteront un tiers de la population dans la plupart des pays. Cela signifie un ratio d’environ 2 actifs seulement par personne âgée. Seule l’Afrique échappera pour un temps encore à ce phénomène comme l’illustre le cas du Nigéria où le taux des plus de 60 ans ne sera encore que de 16 % à la fin du siècle. Le Nigéria avec sa jeune population sera alors dans une dynamique comparable à celle de l’Inde d’aujourd’hui.
Le vieillissement de la population humaine est caractéristique de la transition démographique que connaissent tous les pays les uns après les autres. Lors de la première phase de ce processus, les progrès en matière de santé publique et de nutrition se traduisent par une baisse de la mortalité d’où un allongement de l’espérance de vie[1]. Le nombre de naissances l’emporte sur le nombre de décès. La population s’accroît avec davantage de personnes âgées. Dans un deuxième temps, la natalité baisse à son tour jusqu’à ce qu’un nouvel équilibre s’établisse. Ce sont ces deux paramètres, conjugués mais décalés, qui expliquent la forte croissance actuelle de la population mondiale et masquent son effondrement à venir.
En Europe, le taux de mortalité a commencé à diminuer dès le 19ème siècle. Quelques décennies après, le taux de natalité a baissé à son tour, marquant la fin de la transition démographique du continent et le début de sa décroissance. Selon les experts de l’ONU, malgré les mouvements migratoires, à la fin de ce siècle, le continent européen dans son ensemble perdra 120 millions d’habitants, passant de quelque 750 millions d’habitants aujourd’hui à environ 630 millions d’habitants. Les pays du Sud et de l’Est du continent (Italie, Espagne, Portugal, Grèce, Pologne, Hongrie, etc.) s’effondreront et perdront entre 20 et 40 % de leur population. La population de l’Allemagne aura diminué de 12 % et ne représentera plus que 75 millions d’habitants contre 85 millions aujourd’hui. Celle de la Russie aura régressé de 14 %, perdant ainsi 20 millions d’habitants pour ne plus compter que 125 millions d’habitants en 2100.
Seuls le Royaume-Uni, la France et la Belgique verront leurs populations croître légèrement encore pour un temps, avec respectivement, à la fin du siècle, 78, 65 et 12 millions d’habitants.
En Asie, la population de la Chine culminera vers 1,5 milliards d’habitants en 2030 puis elle entamera à son tour sa décroissance démographique. Elle devrait repasser sous la barre du milliard d’habitants dès le début du prochain siècle dans un processus à la Japonaise. L’Inde dépassera la Chine avant 2030 et deviendra le pays le plus peuplé du monde. Elle connaîtra son apogée démographique vers 2060, avec 1,7 milliards d’habitants.
L’Afrique qui commence à peine sa transition démographique verra sa population encore doubler d’ici 2050, puis atteindre 4,3 milliards d’habitants en 2100. Le Nigéria devrait alors approcher les 700 millions d’habitants ; il aura alors deux fois la population des États-Unis. L’Égypte pèsera près de 200 millions d’habitants et l’Algérie plus de 60. L’Afrique n’abordera la phase de reflux démographique qu’au début du 22ème siècle.
Les déséquilibres démographiques et le vieillissement inexorable du monde auront d’énormes conséquences. La diminution de la population qui a déjà commencé dans une trentaine de pays depuis le début de ce siècle, notamment en Europe, va s’accélérer et en toucher des dizaines d’autres. Dans la deuxième moitié de ce siècle la Chine va ainsi perdre quelque 400 millions d’habitants, voire 700 millions d’habitants selon la dernière étude publiée dans The Lancet.
En conséquence, des migrations internationales d’ampleurs inégalées devraient se produire. Les flux de migrants économiques viendront essentiellement de territoires pauvres encore en croissance démographique : Bangladesh, Népal, Philippines, Afrique noire, etc. A ceux-ci s’ajouteront ceux fuyant la violence et les conflits comme nous le constatons déjà en Syrie, en Birmanie ou au Venezuela. Les pays qui connaissent un excès de décès par rapport aux naissances seront particulièrement concernés par les afflux de migrants. En Europe, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne ont déjà du mal à s’opposer à cette pression migratoire. A l’Est, la Hongrie, la Biélorussie, l’Estonie, l’Ukraine, la Russie et son immense Sibérie seront bientôt en première ligne. Les États-Unis, toujours très attractifs, devraient continuer de bénéficier d’un apport net de migrants et rester ainsi un des rares pays occidentaux à connaître encore une croissance démographique au 21ème siècle. Selon les dernières projections de l’ONU, les États-Unis gagneront une centaine de millions d’habitants d’ici 2100 pour atteindre une population légèrement supérieure à 430 millions.
Les pays vieillissants devront par ailleurs s’occuper de leurs populations âgées et dépendantes. Cette nécessité pèsera lourdement sur leur capacité à investir et à préparer l’avenir. Le maintien des systèmes de protection sociale sera également problématique avec la baisse prévisible du nombre de personnes en âge de travailler par rapport au nombre de personnes âgées qui en dépendront. Pour relever un tel défi, l’accueil d’étrangers pourrait alors apparaître comme la seule solution. Le Japon, par exemple, avec une perte probable de 40 % de sa population dans les prochaines décennies n’aura sans doute pas d’autre choix que celui de s’ouvrir pour sauver son économie et ses retraites. Nombre de pays européens devront également se résoudre à accepter des migrants sur leur sol pour les mêmes raisons.
[1] A l’exception de la période Covid et des États-Unis qui connaissent depuis quelques années un fléchissement de la longévité dû à des problèmes bien identifiés : drogues, tranquillisants et alimentation (obésité, problèmes cardiovasculaires).
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