Parmi les différents cycles longs, ceux dits de Kondratiev sont sans doute les plus pertinents en matière de prospective. Bien que ces cycles n’aient guère de bases théoriques, l’observation des fluctuations de l’économie donne du crédit au concept de l’économiste russe. Un cycle de Kondratiev dure environ 60 ans. Il comprend une phase ascendante qui suit un événement de rupture comme une guerre ou une innovation technologique majeure puis une phase descendante qui conduit à la crise qui va précéder le cycle suivant.
Après la seconde guerre mondiale, les « 30 glorieuses » ont accompagné la phase d’expansion d’un cycle de Kondratiev. Les « 30 piteuses » qui ont suivi ensuite ont correspondu à la phase de déclin du cycle. Avec l’arrivée des nouvelles technologies, un nouveau cycle de Kondratiev s’est amorcé. Plutôt que de cycle, il faudrait d’ailleurs plutôt parler de vague car l’économie n’est pas un métronome. Des décalages temporels existent, le début et la fin d’un cycle peuvent varier d’un environnement à un autre, d’un pays à l’autre. L’ampleur des mouvements peut dépendre du degré local de développement et du contexte politique. Il n’en reste pas moins qu’avec la digitalisation des activités humaines et l’arrivée de l’Internet, les modes de vie et les économies se modifient en profondeur, partout dans le monde.
Ce cycle arrivera à son terme au milieu de 21ème siècle. Le digital aura modifié la pratique de nombre des métiers, il en aura fait disparaître certains et il en aura fait émerger de nouveaux. Le digital ne sera toutefois plus le moteur du changement. L’espace prendra le relais pour nourrir la croissance.
De nombreux signes indiquent déjà le regain d’intérêt pour l’espace : 81 pays sont maintenant impliqués dans des programmes spatiaux avec un budget annuel qui devrait tendre vers 80 milliards vers le milieu de la décennie[1]. Pour les experts, la barre des 100 milliards de dollars d’investissement dans le spatial pourrait être franchie en 2050.
Les États-Unis restent encore, de loin, le principal acteur de l’espace. À eux seuls ils développent ou financent plus de la moitié des programmes spatiaux du monde. Leur avance technologique reste très importante. Pendant que l’ISS, en orbite à 400 km de la Terre, faisait la une des médias européens, la sonde américaine New Horizon envoyait des images de Pluton, alors distante de 4,7 milliards de kilomètres.
En termes de budget, l’Europe devient néanmoins le second acteur du spatial. La France représente 30 % de l’effort européen devant l’Allemagne (20 %) et l’Italie (10 %). La Chine suit l’Europe et devance à présent la Russie et le Japon. Vient ensuite l’Inde qui apparaît comme le nouvel outsider du spatial comme elle l’est dans de nombreux autres domaines. Parmi les autres pays qui entrent dans l’ère spatiale, on retrouve des puissances émergentes comme la Corée du Sud, la Brésil, la Turquie ou l’Algérie mais aussi des pays africains proches du décollage économique : Nigéria, Angola, Afrique du Sud, etc.
Les budgets consacrés au spatial sont importants mais l’ensemble des programmes spatiaux ne représente encore que 0,08 % du PIB global de la planète, soit 27 fois moins que les dépenses militaires (2,2 % du PIB mondial).
Les États-Unis, première puissante spatiale, restent d’ailleurs aussi, de loin, la première puissance militaire du monde avec un budget de la défense colossal de l’ordre de 750 milliards de dollars d’après l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm. Ce montant représente plus du double du budget militaire de la Chine qui n’est que d’environ 260 milliards de dollars (mais en progression continue depuis 10 ans). Loin derrière, on trouve l’Arabie saoudite, la Russie et l’Inde avec des budgets proche de 70 milliards de dollars. L’UE, prise dans son ensemble, consacre de l’ordre de 200 milliards de dollars à sa défense mais de façon dispersée, ce qui nuit fortement à son efficacité.
Ces chiffres illustrent surtout la rivalité croissante entre les USA et la Chine. Pour nombre d’observateurs, les tensions entre les deux superpuissances devraient atteindre leur maximum vers le milieu du 21ème siècle. Passé ce cap difficile, l’équilibre multipolaire du monde devrait prévaloir avec le retour de l’Europe élargie à la Russie, la montée en puissance de l’Inde et le début de l’émergence de l’Afrique. À cette époque, la coopération internationale s’imposera comme une évidente nécessité pour faire face aux problèmes liés au réchauffement climatique et à la raréfaction des ressources terrestres. La conquête spatiale jouera alors un rôle de catalyseur de coopération. Les effets bénéfiques d’une telle collaboration seront considérables, à la mesure des transferts des dépenses militaires vers les programmes spatiaux. Qui ne se réjouirait que des budgets au service de la mort ne soit convertis en investissements au service de la vie et du bien commun ?
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